COMPRENDRE LA TAXONOMIE EUROPÉENNE

Le règlement (UE) 2020/852, dit règlement Taxonomie, constitue l’un des piliers du plan d’action européen en faveur de la finance durable. Son objectif est de créer un langage commun au sein de l’Union en matière d’activités durables, grâce à un système de classification qui identifie de manière homogène les activités économiques considérées comme contribuant à la transition écologique. Cette démarche vise à orienter les flux d’investissement vers des activités respectueuses de l’environnement et à limiter le risque d’« écoblanchiment » (greenwashing). L’article 8 du règlement prévoit ainsi une obligation de publication d’indicateurs de durabilité à la charge de certaines entreprises, à compter du 1er janvier 2022. Ces obligations sont précisées par un règlement délégué adopté le 6 juillet 2021 par la Commission européenne, qui fixe le contenu, les modalités de calcul et les formats de présentation des indicateurs. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a pris soin de rappeler et de vulgariser ces nouvelles dispositions afin de faciliter leur appropriation par les acteurs économiques concernés.

Le champ d’application de ce reporting est strictement défini. Sont visées les entreprises qui doivent déjà publier des informations non financières en application des articles 19 bis et 29 bis de la directive comptable 2013/34/UE. Concrètement, il s’agit des entités d’intérêt public, dès lors qu’elles emploient en moyenne plus de 500 salariés au cours de l’exercice et qu’elles dépassent au moins un des deux seuils suivants : un total de bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros. Entrent dans cette catégorie les sociétés cotées sur un marché réglementé de l’Union, les établissements de crédit définis par le règlement (UE) 575/2013, ainsi que les entreprises d’assurance au sens de la directive 91/674/CEE. Les sociétés mères de grands groupes peuvent également être concernées, à condition qu’elles répondent elles-mêmes à la définition d’entité d’intérêt public et qu’elles franchissent les seuils financiers et sociaux précités.

Le règlement Taxonomie repose sur six objectifs environnementaux, qui structurent la classification des activités. Deux concernent directement le climat, à savoir l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets. Les quatre autres portent respectivement sur l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution, ainsi que la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. L’originalité du dispositif est d’établir une distinction entre les activités « éligibles » et les activités « alignées » avec la taxonomie européenne. Une activité est dite éligible si elle figure sur la liste des activités économiques recensées par les actes délégués comme susceptibles de contribuer à l’un des objectifs environnementaux. L’éligibilité ne préjuge cependant pas d’un alignement effectif. Pour qu’une activité soit considérée comme alignée, trois conditions doivent être réunies : une contribution substantielle à l’un des objectifs grâce au respect de critères techniques précis ; l’absence de préjudice significatif porté aux autres objectifs, selon le principe dit « Do No Significant Harm » ; et le respect de garanties sociales minimales, notamment les principes directeurs de l’OCDE ou des Nations Unies.

Les critères techniques permettant de déterminer l’alignement ont été définis pour les deux objectifs climatiques dans l’acte délégué climat adopté par la Commission et publié au Journal officiel de l’Union européenne le 9 décembre 2021 (règlement délégué (UE) 2021/2139). Ainsi, pour le reporting exigé en 2022 et portant sur l’exercice 2021, seules les activités contribuant à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique doivent être prises en compte. Les quatre autres objectifs environnementaux feront l’objet d’actes délégués ultérieurs, attendus au cours du premier semestre 2022, et n’entreront en application qu’un an après leur adoption.

La présentation des informations doit s’intégrer dans la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Les indicateurs de durabilité sont détaillés par activité et par objectif environnemental, en suivant des formats tabulaires normalisés précisés dans les annexes du règlement délégué. Pour les émetteurs non financiers, l’annexe II constitue le modèle de référence. En plus des données quantitatives, un ensemble d’informations qualitatives est attendu, notamment sur la composition des indicateurs, la nature des activités éligibles ou alignées, les méthodologies utilisées pour répartir les indicateurs entre activités et la manière dont les entreprises ont vérifié le respect des critères techniques d’alignement.

La mise en œuvre de ce dispositif représente un défi organisationnel pour les entreprises concernées. L’AMF recommande ainsi une démarche progressive afin d’anticiper les difficultés et de sécuriser la qualité des informations publiées. Les sociétés doivent identifier les activités économiques couvertes par la taxonomie, s’approprier les critères techniques et les modalités de calcul des indicateurs, et adapter leurs systèmes de collecte et de traitement des données. Une coopération en amont avec les commissaires aux comptes et les organismes tiers indépendants peut également faciliter la transition. Pour accompagner cette appropriation, plusieurs ressources ont été mises à disposition par la Commission européenne, notamment des FAQ publiées en décembre 2021 et février 2022 qui répondent aux interrogations pratiques des émetteurs, ainsi que l’outil numérique EU Taxonomy Compass, permettant de vérifier l’éligibilité et l’alignement des activités selon les critères européens.

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