Le droit du contrat d’assurance à l’épreuve des risques climatiques

Le système assurantiel français doit faire face à la potentialité de plus en plus marquée d’une crise d’ampleur provoquée par l’augmentation rapide et continue des risques climatiques. Le changement climatique intensifie la fréquence et la gravité des catastrophes naturelles, telles que les inondations, les sécheresses, les tempêtes ou encore les incendies. Cela entraîne une hausse des sinistres, rendant le modèle économique des assurances difficilement soutenable à long terme. D’après les estimations, les pertes liées aux sinistres pourraient être multipliées par cinq dans certaines régions françaises d’ici 2050. Cette hausse s’accompagnerait d’une augmentation des primes d’assurance de 130 % à 200 % dans les zones les plus à risque, ce qui menace d’exclure les ménages et entreprises les plus vulnérables d’une protection essentielle.

Ce phénomène met également en lumière une remise en question systémique du principe de mutualisation des risques, qui est un des piliers du modèle assurantiel. L’utilisation accrue des outils numériques et de la data permet aux assureurs de segmenter les risques de manière plus précise, ouvrant la voie à une individualisation des primes. Si cette méthode permet une gestion optimisée des contrats, elle risque aussi d’aboutir à une inégalité croissante : les populations ou territoires les plus exposés pourraient voir leurs garanties limitées ou devenir inassurables, portant ainsi atteinte au principe de solidarité.

Pour répondre à cette problématiques, plusieurs pistes sont proposées dans le cadre d’une réforme du système assurantiel français en 2022. La première consiste en en la création d’une assurance multirisques climatiques, capable de couvrir les dommages causés par des aléas climatiques de plus en plus diversifiés, qu’il s’agisse de sécheresses, de crues ou de tempêtes. L’État aurait un rôle central pour subventionner ces contrats et garantir leur accessibilité, en particulier pour les secteurs les plus vulnérables, tels que l’agriculture ou les petites entreprises. Dans les territoires d’Outre-mer, où le taux de souscription aux assurances reste particulièrement faible, de 6 % à 49 % selon les zones, des mesures spécifiques seraient nécessaires. Ces régions, extrêmement exposées aux catastrophes climatiques, souffrent également d’un désengagement progressif des assureurs et d’une précarité économique importante. Ainsi, des politiques publiques renforcées pourrait donc permettre de relancer la confiance des assureurs et de mieux protéger ces territoires.

En complément, le conseil économique, social et environnemental insiste sur l’importance d’une vision proactive et préventive pour limiter les impacts des catastrophes climatiques et éviter leur coût à long terme. Cela inclut des investissements massifs dans des infrastructures résilientes, l’aménagement des zones exposées, ou encore des politiques renforcées de gestion des sols et des territoires. Des solutions relativement simples, comme la végétalisation des centres urbains pour atténuer les effets des vagues de chaleur ou la mise en place de digues adaptées dans les régions côtières, pourraient réduire significativement l’impact des sinistres tout en générant des économies substantielles sur les indemnisations.

Une autre priorité mise en avant concerne la sensibilisation de la population et des décideurs face aux risques climatiques. Aujourd’hui, citoyens et entreprises sous-estiment l’ampleur des dangers liés au changement climatique ou n’ont pas conscience des bénéfices à long terme d’une couverture assurantielle adaptée. À travers des campagnes de sensibilisation, des formations spécifiques et une vulgarisation des outils d’assurance, il paraît crucial de développer une « culture du risque » à l’échelle nationale. L’objectif serait d’encourager des comportements plus responsables et de faciliter l’acceptation des politiques préventives ou des ajustements financiers nécessaires au maintien de la solvabilité des assurances. Enfin, l’avis souligne qu’il est essentiel de repenser les interactions entre les parties prenantes. 

L’État, en coopération avec les assureurs, doit intervenir pour encadrer les pratiques et garantir que certains territoires ou certaines catégories de population ne tombent pas en zone d’exclusion ou d’inassurabilité. Les assureurs, de leur côté, doivent simplifier leurs offres, favoriser l’inclusivité dans leurs garanties et travailler à des solutions innovantes, comme les assurances paramétriques qui déclenchent des indemnisations automatiques en fonction de seuils précis. Ces outils, basés sur des indicateurs mesurables, pourraient constituer un levier complémentaire efficace face aux aléas climatiques croissants.

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