Les enjeux de la loi Industrie Verte

Face aux défis du réchauffement climatique et à la nécessité de réindustrialiser la France de manière durable, la loi Industrie Verte s’inscrit dans une volonté de concilier performance économique et transition écologique. Promulguée en 2023, cette loi vise à faire de la France un leader européen de l’industrie décarbonée en accélérant la transition écologique des entreprises, en favorisant l’innovation et en renforçant la souveraineté industrielle.

L’émergence de cette loi s’explique par un contexte de mutations économiques et environnementales profondes. D’un côté, la concurrence internationale impose aux entreprises françaises d’adopter des modèles de production plus compétitifs et résilients. De l’autre, les engagements climatiques de la France, notamment dans le cadre des accords de Paris et des objectifs européens de neutralité carbone d’ici 2050, exigent une transformation radicale des industries polluantes.

Ce devoir analysera d’abord les principales mesures de la loi Industrie Verte (I), avant d’examiner les décrets d’application et leurs implications (II), pour enfin interroger les enjeux et les limites de cette législation ambitieuse (III).

I. Les mesures phares de la loi Industrie Verte

L’une des réformes majeures apportées par cette loi concerne la facilitation de l’implantation des sites industriels (articles 4, 8, 14, 19). Jusqu’à présent, les démarches administratives pour ouvrir une usine étaient longues et complexes, freinant ainsi l’investissement industriel. Désormais, la procédure d’autorisation environnementale sera simplifiée, avec une réduction du délai d’instruction de 17 à 9 mois. Par ailleurs, la réhabilitation des friches industrielles est encouragée afin de limiter l’artificialisation des sols tout en exploitant des terrains déjà urbanisés. La loi prévoit également un cadre privilégié pour les "projets d’intérêt national majeur" (PINM), qui bénéficieront de procédures accélérées et d’aménagements spécifiques, comme un accès facilité aux infrastructures énergétiques et de transport.

En complément des mesures facilitant l’installation des industries, la loi Industrie Verte met en place des dispositifs financiers pour encourager la transition écologique. Le Plan d’Épargne Avenir Climat (PEAC) a ainsi été créé afin de permettre aux jeunes de moins de 21 ans d’investir dans des projets écologiques, tout en bénéficiant d’exonérations fiscales. De plus, les détenteurs d’une assurance-vie ou d’un plan d’épargne retraite sont incités à orienter leurs investissements vers des entreprises engagées dans la réduction des émissions de CO₂. Ces initiatives visent à canaliser l’épargne privée vers des financements durables, accélérant ainsi la mutation écologique du secteur industriel.

La loi met également un accent particulier sur le verdissement de la commande publique. À travers de nouvelles obligations pour les administrations et collectivités locales, les marchés publics devront désormais prendre en compte des critères environnementaux dans l’attribution des contrats. L’absence de bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges) devient un motif d’exclusion pour les entreprises de plus de 500 salariés, et des sanctions financières plus sévères sont prévues pour celles qui ne respecteraient pas leurs obligations de transparence en matière de durabilité. Ces mesures visent à favoriser les acteurs économiques les plus vertueux et à inciter les entreprises à intégrer des critères environnementaux dans leur stratégie.

Enfin, la loi Industrie Verte renforce les réglementations en matière de gestion des déchets et d’infractions environnementales. L’usage de matières premières recyclées est facilité pour les industriels, notamment en supprimant certaines démarches administratives lorsqu’il n’existe pas de risque pour la santé ou l’environnement. Parallèlement, les sanctions pour non-respect des réglementations sur les déchets ont été alourdies : les peines d’emprisonnement passent de deux à quatre ans, et les amendes peuvent désormais atteindre 500 000 € en cas de faute commise en bande organisée. Une nouvelle amende a également été introduite pour les transferts illégaux de déchets à l’étranger, pouvant s’élever jusqu’à cinq fois le coût du traitement des déchets concernés.

II. Les décrets d’application de la loi et leur impact

Pour rendre ces réformes pleinement effectives, plusieurs décrets ont été publiés en juillet 2024 afin de préciser les modalités d’application de la loi Industrie Verte. Le décret n° 2024-704 simplifie les procédures d’urbanisme et environnementales pour les projets industriels stratégiques. Il identifie les secteurs technologiques favorables au développement durable et permet d’accélérer l’obtention des autorisations administratives nécessaires. De plus, il attribue au préfet de département la compétence pour délivrer directement certaines autorisations d’urbanisme, permettant ainsi de réduire les délais de mise en œuvre des projets industriels.

Le décret n° 2024-742, quant à lui, vise à réduire les délais d’implantation des industries en accélérant l’examen des demandes d’autorisation environnementale. Désormais, l’instruction des dossiers se fait de manière simultanée entre les services de l’État et la consultation du public, ce qui permet d’éviter des blocages administratifs successifs. Par ailleurs, ce décret modernise la participation du public en instaurant un processus plus fluide et interactif, tout en améliorant la gestion des cessations d’activité et la réhabilitation des sites industriels. En cas de défaillance d’un exploitant, l’État pourra désormais intervenir plus rapidement pour assurer la dépollution et la reconversion des friches industrielles.

Un volet important des décrets concerne également le financement et l’épargne. Le décret du 15 juin 2024 encadre le Plan d’Épargne Avenir Climat (PEAC), en imposant que les investissements réalisés via ce dispositif soient orientés vers des fonds labellisés "Investissement Socialement Responsable" ou "France Finance Verte". D’autres mesures réglementaires renforcent le devoir de conseil des assureurs, notamment en matière de contrats de capitalisation et d’assurance-vie, afin d’informer les souscripteurs sur les performances environnementales de leurs investissements.

III. Enjeux et limites de la loi Industrie Verte

La loi Industrie Verte représente une avancée majeure en matière de transition écologique et de réindustrialisation. Elle permet d’attirer des investissements dans les secteurs innovants, favorise le développement des énergies renouvelables et encourage la création d’emplois dans des filières d’avenir. En simplifiant les démarches administratives, elle améliore également l’attractivité de la France pour les industriels, tout en garantissant une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux.

Cependant, plusieurs défis subsistent. Certains acteurs économiques estiment que, malgré les simplifications annoncées, les procédures administratives restent complexes et pourraient freiner la mise en œuvre rapide des projets. De plus, la conditionnalité des aides publiques aux critères environnementaux pourrait exclure certaines entreprises en difficulté, qui n’ont pas encore les moyens de réaliser leur transition écologique. Enfin, des interrogations persistent quant à l’efficacité des mécanismes de suivi et de contrôle des engagements écologiques des entreprises, soulevant ainsi le risque d’un "greenwashing" institutionnalisé.

En intégrant à la fois des mesures de simplification administrative, des incitations financières et des obligations renforcées en matière d’environnement, la loi Industrie Verte marque un tournant dans la stratégie industrielle française. Son ambition est de faire de la France un modèle en matière de réindustrialisation durable, tout en conciliant attractivité économique et transition écologique. Les premiers effets de cette réforme seront à observer dans les prochaines années, notamment à travers la mise en œuvre des projets stratégiques et l’évolution du tissu industriel. Toutefois, son succès dépendra largement de la capacité des acteurs économiques et publics à collaborer efficacement pour atteindre les objectifs fixés.

À la cessation d’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), l’exploitant est tenu de remettre le site en état, en fonction d’un usage déterminé par l’arrêté d’autorisation ou par le Code de l’environnement. Ce principe a pu dissuader certains industriels de suivre la procédure de cessation d’activité, entraînant l’essor de friches industrielles.

Constatant ce phénomène à l’heure de la raréfaction du foncier disponible, le législateur a institué la procédure du Tiers Demandeur par la loi ALUR du 24 mars 2014 et son décret d’application du 18 août 2015. Cette procédure permet à l’exploitant d’une ICPE qui souhaite mettre à l’arrêt définitif son installation de confier à un tiers (généralement l’acquéreur du site) – avec l’aval du Préfet de département – la responsabilité de réaliser les travaux de réhabilitation qui lui incombent. Le tiers demandeur, qui peut être toute personne publique ou privée, engage alors la réhabilitation vers l’usage qu’il souhaite, permettant ainsi de gagner du temps.

Pour sécuriser l’opération, il est imposé au tiers demandeur de disposer de capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux. Malgré le succès relatif de cette procédure, qui a permis de réhabiliter des sites pour lesquels l’exploitant avait disparu ou n’avait pas les moyens d’effectuer la remise en état, des points de blocage sont apparus. La loi "Industrie Verte" n°2023-973 du 23 octobre 2023 a voulu corriger ces points, notamment le fait que le dernier exploitant conservait l’obligation de remise en état en cas de défaillance du tiers demandeur.

Désormais, le tiers intéressé pourra demander, avec l’accord de l’exploitant, de se substituer à lui par anticipation en cas de future cessation d’activité. Le tiers demandeur pourra également se substituer à l’exploitant dès la mise en sécurité du site, bien en amont de ce que prévoyait l’ancienne réglementation. Le tiers demandeur pourra réaliser tant les travaux de réhabilitation que les mesures de mise en sécurité du site, lesquelles devaient jusqu’ici être effectuées par l’ancien exploitant. En cas de défaillance du tiers demandeur, le dernier exploitant ne sera responsable que de la mise en sécurité de l’installation, et non plus de sa réhabilitation.

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