Une approche durable de la finance : le règlement SFDR

Le règlement dit SFDR, pour Sustainable Finance Disclosure Regulation, est entré en vigueur le 10 mars 2021. Il poursuit un objectif central d’harmonisation et de renforcement des obligations de transparence applicables aux acteurs des marchés financiers ainsi qu’aux conseillers financiers lorsqu’ils proposent des produits intégrant des caractéristiques extra-financières. Cette réglementation européenne constitue une étape décisive dans la construction d’un cadre normatif permettant de mieux encadrer la finance durable, en imposant des obligations précises de publication d’informations relatives aux politiques d’investissement, aux conseils fournis, mais également aux produits commercialisés. Depuis le 1er janvier 2023, les fonds dits « Article 9 » doivent en outre respecter des exigences techniques nouvelles, adoptées en 2022, ce qui marque un renforcement progressif des contraintes de conformité.

Le dispositif repose sur une logique de transparence à double niveau. D’une part, les acteurs des marchés financiers tels que les assureurs, les établissements de crédit ou les institutions de retraite doivent publier des informations institutionnelles relatives à leurs politiques générales d’investissement. Cette transparence couvre à la fois l’intégration des risques en matière de durabilité, définis comme des événements ou situations liés à des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance susceptibles d’avoir un impact négatif sur la valeur des investissements, et les incidences négatives de leurs choix d’investissement sur ces mêmes facteurs. L’approche du SFDR est ainsi marquée par la logique de la « double matérialité » : non seulement l’impact des enjeux de durabilité sur la rentabilité financière doit être pris en compte, mais également l’impact inverse, à savoir les effets des investissements sur l’environnement, la société et la gouvernance.

D’autre part, le règlement s’applique aux conseillers financiers qui doivent eux aussi intégrer dans leurs pratiques des exigences de transparence accrues. Ils sont ainsi tenus de publier sur leur site internet la manière dont les risques de durabilité sont intégrés dans leurs conseils, ainsi que l’impact estimé de ces risques sur les produits proposés. S’ils choisissent de ne pas prendre en compte les incidences négatives sur la durabilité, ils doivent justifier cette position de manière claire et accessible. Ces obligations s’étendent également aux documents précontractuels, qui doivent expliciter l’intégration des critères ESG et leur incidence sur la performance des produits financiers.

Le SFDR introduit une distinction fondamentale entre deux catégories de produits. Les produits dits « Article 8 » promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales sans nécessairement poursuivre un objectif strictement durable, tandis que les produits dits « Article 9 » visent explicitement un objectif d’investissement durable. Pour ces deux catégories, la réglementation impose un haut degré de transparence : les acteurs doivent préciser dans les documents précontractuels la manière dont les objectifs seront atteints, fournir dans les rapports périodiques des informations sur les résultats obtenus et publier sur leur site internet des précisions méthodologiques. À terme, des normes techniques d’exécution (RTS) sont venues préciser et standardiser la présentation de ces informations, notamment par l’utilisation de modèles uniformisés.

Le cas français illustre bien la manière dont le SFDR s’articule avec des obligations nationales préexistantes. Dès 2015, l’article 173 de la loi relative à la transition énergétique avait instauré des exigences de publication concernant l’intégration des critères ESG dans les politiques d’investissement des assureurs et gestionnaires d’actifs. Ces obligations ont été renforcées par l’article 29 de la loi énergie-climat de 2019, qui impose une attention particulière aux risques liés au changement climatique et à la biodiversité. Par ailleurs, la loi Pacte a rendu obligatoire, depuis janvier 2020, la présence d’au moins un support durable dans les contrats d’assurance-vie multisupports. Le SFDR s’inscrit donc dans une dynamique déjà engagée en France, mais en y apportant une cohérence européenne et un cadre commun applicable à l’ensemble du marché.

Une attention particulière doit être portée au cas des produits multi-supports, et notamment des contrats d’assurance-vie. Le SFDR impose en effet que les informations relatives aux caractéristiques extra-financières soient fournies au niveau de chaque option d’investissement, ce qui implique une coordination avec les gestionnaires des actifs sous-jacents. Lorsqu’une unité de compte est elle-même assujettie au SFDR, l’assureur peut se référer directement à la documentation précontractuelle correspondante. En revanche, si l’actif de référence n’entre pas dans le champ du règlement, l’assureur doit produire sa propre information spécifique, garantissant une transparence complète vis-à-vis des souscripteurs.

Enfin, le SFDR entretient un lien étroit avec le règlement Taxonomie (règlement UE 2020/852). Ce dernier établit un système de classification européen des activités économiques durables et vient compléter les obligations de transparence prévues par le SFDR. Les produits relevant des articles 8 et 9 doivent ainsi préciser dans quelle mesure et de quelle manière leurs investissements sous-jacents s’alignent sur la taxonomie européenne. L’articulation des deux règlements permet donc non seulement de renforcer la transparence, mais également d’orienter les flux financiers vers des activités identifiées comme durables selon des critères techniques précis. Cette complémentarité marque un pas important vers la construction d’un cadre intégré de la finance durable au niveau européen.

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